PLOUF!!!
-OH MERDE!
J’empoigne le VHF à la vitesse de la lumière.
-Handy Andy! Handy Andy! Ici Pablo. Pablo.
J’attend complètement paniquée.
-Pablo. Ici Handy Andy. Comment puis-je vous aider?
-Je viens d’échapper mes lunettes soleil dans l’eau. Il faudrait nous envoyer un plongeur vraiment rapidement.
-On arrive dans une heure tapante.
-…Ok merci.
Une heure! Ils sont fous! Ce ne sont pas des lunettes fumées du Dollarama, elles sont adaptées à ma vue. L’eau ici à Luperon, République Dominicaine est loin d’être celle des Bahamas. On voit peut-être 2 pieds en avant de soi au mieux. Il n’y a aucune chance que je retrouve mes lunettes moi même avec un tuba dans 17 pieds d’eau. Même si je les ai échappé directement sous le bateau. Il n’y a aucune chance qu’un plongeur les retrouve dans 1 heure avec tout le courant dans la baie.
-Je t’avais dit que ça prenait une corde pour les attacher Cass, dit Sam.
-OH! FERME-LA!!!

L’eau est moins joli, mais le paysage plus luxuriant qu’aux Bahamas.
Je suis tellement fâchée que Sam n’ose plus ouvrir la bouche. Dans l’attente, je réalise qu’il est temps qu’on parte de la République Dominicaine.
Ça avait commencé de la même façon 2 semaines plus tôt:
PLOUF!!!!
-MERDE! MERDE!
J’avais avancé vers la descente du bateau pour parler à mon super mari qui nous cuisinait un déjeuner de champion suite à une nuit de navigation assez intense avec des vagues de 8 pieds durant notre passage de Turk et Caicos vers la République:
-Sam…Je viens d’échapper ton couteau dans l’eau…
-Mon couteau à poisson? MON RAPALA? Pas celui que Vincent m’a donné voilà 3 ans en me disant que ça serait LE couteau quand j’attraperais du poisson? C’est de CE rapala que tu me parles?
– Euuhhh…oui.
-!&*$#(&*) …
-Écoute…eee… On a pas besoin d’un Rapala maintenant. On a pas pêché de poisson! En fait, en ce moment les lignes à pêche sont toutes emmêlées derrière le bateau. Voudrais-tu venir démancher tout ça vu qu’on arrive dans l’entrée de la baie de Luperon, tu sais, avant que ça se prenne dans les lignes d’un autre bateau ou pire dans notre hélice…?
Essayer de changer de sujet n’avait clairement pas rendu Sam plus heureux ce matin là.
Ensuite, le deuxième jour après notre arrivée, nous avions célébré mon anniversaire avec les amis de La Metta. Salty était tellement excitée de montrer à ses amis sa licorne. (Elle a reçu un oeuf, tu le mets dans l’eau, puis tu traines le pot partout au cas où le bébé licorne naitrait, incluant dans les sorties en dinghy, à l’épicerie, etc, etc, etc, et puis une licorne sors de l’oeuf. Un peu comme les éponges dinosaures quand on était jeunes.)
-Sam as-tu vu la licorne de Salty quand on est partis du pub?
-Je pensais que c’est toi qui l’avait Cass?
-Qu’est-ce que tu veux dire par moi qui l’avait!? C’est la petite Leeloo qui l’avait il me semble.
-Ok, alors si c’est le cas, pourquoi tu me demandes à moi?

Emmener ses enfants au pub en République? No problemas.
-Parce qu’on ne l’a plus, et elle non plus! On a perdu le bébé licorne Sam. Il faut pas que Salty sache ça… MERDE! MERDE!
-…MERDE!
J’étais retournée au pub le lendemain, apportant un dessin de la dite licorne. Pas de licorne.
-MERDE…
-Elle s’en est pas encore rendu compte Cass.
-Ça va finir par arriver Sam. Pi on va avoir la pire crise qu’une enfant de 5 ans puisse faire.
Une semaine plus tard, un homme avait traversé la rue. Ouvrant la main, quelle ne fut pas ma surprise de voir… la licorne de Salty!
-ILS L’ONT TROUVÉ!!! OH. MY. GOD!
-Mon Rapala? avait répondu Sam.
-Ben non franchement! La licorne je veux dire!
-Bien sûr la licorne! Pourquoi on s’inquiéterait de mon super couteau dispendieux quand on peut se stresser sur la disparition de la licorne à 1$. HEIN?
Je sors de ces pensées alors qu’Handy Andy arrive avec le plongeur.
-Tu sais qu’il n’y a pas de chances qu’ils le trouvent, hein Cass…
-OH FERME-LA SAM! dis-je toujours fâchée.
-Combien te demandent-ils?
-Aucune idée…
-Eh bien! J’espère que tu réalises qu’on devra payer même s’ils ne trouvent rien Cass.
-OH FERM…. ouin…. Ouin.
J’avale ma salive de travers. Je n’ai pas du tout négocié le prix à l’avance avec eux.
-Vous croyez qu’il trouvera mes lunettes? demandais-je naÏvement à Handy Andy.
-Il faut prier madame, dit-il en mettant du gaz dans le compresseur. Prier BEAUCOUP, ajoute-t-il en me regardant le plus sérieusement du monde.
Après 5 minutes, mes doigts sont engourdis à force d’être croisés espérant une chance inespérée. Le plongeur sors de l’eau :
-Vous avez un bon karma madame! dit Handy Andy me montrant fièrement les lunettes. MES Lunettes retrouvées dans le fond boueux de la baie de Luperon.
-ILS LES ONT TROUVÉS!!!! OH.MY.GOD!
Plus tard ce soir là;
-OUFFF…il est temps qu’on parte d’ici Sam. D’abord le Rapala, ensuite la licorne, finalement mes lunettes de soleil. On va perdre quoi ensuite!
-La tête! répond Sam.
-Ha. Ha. Ha… Au moins, on aura été chanceux.
Il se retourne et regarde l’entrée de la baie de Luperon, là où son Rapala repose au fond. Et où il reposera sûrement à jamais. Il me répond:
-Pffffff….parle-pour toi!
Image titre: La côte de la République Dominicaine est difficile à naviguer, c’est le moins qu’on puisse dire. Un homme nous a raconté à quel point il préfère sa nouvelle moto à son ancien voilier. “Je peux en faire dans n’importe quel vent. Pas de fenêtre météo à attendre. Ça c’est la liberté!” J’adore sa philosophie! 😀 Mais c’est drôlement moins pratique avec 2 enfants.