Prepare for war!

La grande guerre de 11 ans

“Un jour Cass, nous aurons un bateau sec”, dis-je en descendant dans Sputnik. C’était il y a 8 ans et j’étais une fois de plus accueilli par des flaques d’eau sur le plancher. Un mélange d’eau de pluie provenant du mât, de condensation due au froid du Québec et de millions de fuites inconnues. Je voulais avoir un bateau sec. Un bateau sans eau dans la cale. Ce qui n’est pas une mince affaire, vu que Sputnik avait 27 ans. Et que c’est… un bateau.

J’avais passé les 2 dernières années à chasser les fuites et les intrusions d’eau partout. La cale et les parois étaient devenue une collection de lignes multicolores de Crayola, ma dernière idée brillante pour voir d’où l’eau provenait. Orange indiquait un problème dans le compartiment moteur, vert dans la cuisine, etc. La théorie était bonne. On pratique, on finissait toujours avec du brun..

“Ça n’existe pas, Sam. Personne n’a de bateau sec. Sauf Martin!”. Martin avait été notre prof de voile. Nous nous étions lié d’amitié pendant nos cours et nous avions navigué sur son bateau pendant 2 ans avant de réussir à acheter Sput; un W.D. Shock Santana 30. À ce moment-là, Martin possédait son bateau, Ultimo, depuis 10 ans. 10 ans d’ouvrage, une plus grande expérience de la maintenance et un budget plus important signifiaient qu’Ultimo était à nos yeux le Saint Graal ; un bateau où toutes les vis étaient alignées, où pas une seule poulie ne grinçait et où le papier de toilette était stocké dans la cale.

Nous avons eu Sputnik pendant 9 ans. Nous avons fait de glorieux voyages avec lui et nous en gardons des souvenirs impérissable. Mais pendant 9 ans, j’ai passé plus de temps à quai à travailler qu’à naviguer. Les mares d’eau devenaient de plus en plus petites. J’ai réussi à éliminer la plupart d’entre elle. Mais 9 ans plus tard, il y avait encore de l’eau dans la cale.

Quand nous avons vendu Sputnik et commencé à chercher le bateau pour nous amener au delà de l’horizon, la liste des critères était assez longue. Et j’en avais caché un à Cass ; un mât reposant sur le pont. J’étais convaincu que la plus grande partie de l’eau qui arrivait encore à l’intérieur du Sput provenait du mât, puisque le mât passait par le pont et était posé sur la quille, alors que dans le bateau de Martin, le mat était posé sur le pont…

Nous sommes monté à bord de nombreux bateaux avant de trouver Pablo. 99% d’entre eux avec un mat reposant la quille, tuant petit à petit mon rêve d’avoir un jour une cale sèche

Nous avons cherché pendant longtemps avant de trouver Pablo et rendu là, nous avions dû abandonner la plupart de nos critères. Mais par pure chance, le mat de Pablo reposait sur le pont ! À mes yeux, c’était le bateau parfait ! Il n’y avait qu’un seul problème. Des litres et des litres d’eau dans la cale…

“Ça doit être la plomberie de 35 ans”, disais-je à Cass dans l’avion en rentrant. J’en suis sûr !

On a acheté Pablo. Et même ça ne faisait pas beaucoup de sense pour tout le monde, l’un des principaux projets du chantier initial consista à refaire toute la plomberie. Pour être juste, 35 ans de propriétaires aux intentions douteuses avaient créé un labyrinthe de tuyaux non identifiés avec une collection de collets rouillés. Repartir de zéro était donc en fait plus simple que d’essayer de tout réparer. Sputnik avait été une excellente école en terme d’intrusion d’eau, alors je ne me suis pas arrêté là. J’ai commencé à re-calfeutrer la plupart des pièces d’accastillage sur le pont. Puis j’ai tous les hublots pour les réinstaller, m’assurant de leur étanchéité. J’ai inspecté toutes les cales et comme tout était sec (la première fois probablement depuis des années), je les ai nettoyées avec des litres d’acétone et j’ai tout peint en blanc éclatant. Joie!

Fière de moi, et après trois mois de dur labeur, nous avons mis notre Moody 47 à l’eau. Il était temps pour nous de commencer à connaître Pablo !

Ma confiance fut de courte durée. En fin de journée, je regardais l’eau dans la cale. Juste assez pour être vraiment embêté. Le lendemain soir, après notre première navigation avec Pablo, j’ai renoué avec un vieil ami. Ma fidèle shop-vac, qui a vidé l’eau de cale pendant 9 ans sur Sputnik était encore en train de pomper des litres et des litres d’eau de la cale. Cass me regarda avec tout l’amour du monde. “Nous allons réussir cette fois-ci, Sam. Ne désespère pas !”

Et c’est ainsi que tout a recommencé. Le grand rituel à la fin de chaque sortie : shop-vac pour assécher la cale et soulever les planchers en essayant de sentir d’où vient l’eau. Et alors que nous vogions à travers les Caraïbes, le sentiment que nous ne réussirions jamais à avoir un bateau sec grandissait. Lorsque nous avons finalement atteint Grenade, j’avais abandonné. Après tout, le bateau fait 47 pieds de long et a 35 ans. L’eau était salée, donc nous savions que la plomberie ne fuyait pas. J’ai commencé à blâmer le presse-étoupe, l’endroit où l’arbre entre dans la coque. Ils doivent être refroidi à l’eau pour supporter la friction élevée d’un arbre en rotation, donc ils coulent dans la cale.

Sur notre route de Bonaire à Panama, la situation est devenue telle que nous avons dû recourir aux pompe de cale manuelle d’urgence. Bien que nous n’allions pas couler, cela nous a suffisamment secoué pour ramener le sujet de l’eau dans la cale en haut de la liste des priorités. Après tout, nous avions prévu de traverser le plus grand océan de la planète… Mais par où commencer ? Cela faisait maintenant 14 mois que nous échouions systématiquement !

Et Noël est arrivé ! Un raccord reliant le réservoir d’eau noir des toilettes s’est cassé le matin de Noël, libérant 80 litres d’eau dégoûtante dans la cale. Il nous a fallu six heures vraiment puantes pour tout nettoyer. Mais une fois fini, j’avais un sourire en coin. J’avais vu quelque chose. Une demi cuillièré a thé d’eau sur une nervure de la coque, juste en dessous d’un passe-coque qui se trouve à quelques centimètres au-dessus de la ligne de flottaison. Ça expliquerait pourquoi nous prenons autant d’eau en navigation ; le passe coque passe sous la ligne de flottaison…

Mon plus grand compagnon de voile depuis 11 ans; un bucket-head acheté pour 20$. Notre premier achat pour Sputnik…

La sortie suivante m’a donné raison. Lorsqu’on passait babord-amure, le passe coque qui, ironiquement servit à la pompe de cale, laissait entrer l’eau telle une un robinet! Une semaine plus tard, nous étions de nouveau sur en chantier pour réparer un bruit de grincement lorsqu’on était à moteur. Nous devions retirer l’arbre d’hélice pour changer la pièce brisée, occasion unique de retirer le presse-étoupe en même temps… Nous avons impulsivement décidé de le remplacer par un dripless shaft seal. Un joint sans égouttement. Une fois le passe coque problématique réparé, j’étais à nouveau rempli d’espoir. Pablo serait sec !

Sauf que non. Mais le problème était beaucoup – beaucoup ! – plus petit ! Pourtant, la shop-vac était toujours en service. “Dans notre famille, on essait!’ est le motto qu’on répète sans cesse aux enfants. Matey me le rappela ce soir là. Je me remis à l’ouvrage.

Avance rapide de quelques semaines. Juste le temps de trouver et de réparer 1 raccord de dessalinisateur cassé, 3 colliers de serrage défectueux, 1 tuyau mal installé sur le chauffe-eau, démonter et remonter 2 passe coques sous la ligne de flotaison (alors qu’on est à l’eau), changer une pompe d’eau qui fuyait sur la génératrice ….

Au moment où j’écris ces lignes, nous n’avons plus d’eau dans la cale. Ou du moins, presque plus. 1 cuillère à soupe tous les 2 jours. Je soupçonne que de la condensation se forme sur la ligne de cuivre entre le compresseur et la plaque d’évaporation du réfrigérateur… Le combat n’est pas fini, mais on voit finalement la lumière au bout du tunnel. Comme bien des choses dans la vie, ce n’est pas un mais une combinaison de problèmes qui se sont transformé en semaines d’ouvrage avant que nous puissions crier victoire. Je n’ai pas encore ma shop-vac à la retraite. Et je ne suis pas sûr d’être un jour assez sûr de moi pour stocker du papier de toilette dans la cale. Mais je me sens un peu plus comme un Martin !

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